mardi 11 mai 2010

32 - Que voulez-vous mon bon monsieur, il n'y a plus de saisons !


Il suffit qu'il fasse un peu froid, un peu gris, pour qu'immanquablement finisse par se glisser dans les conversations ce jugement familier et définitif : Il n'y a plus de saisons. En vérité, il y a si longtemps que cette monnaie là est en circulation que l'on n'en distingue plus la frappe : si l'on s'en réfère à elle, est-il seulement possible de se souvenir de la dernière fois
où il y a eu des "saisons" ? Le plus probable est qu'il n'y a jamais eu de saisons dans le sens où l'entend cette expression. La réalité n'est jamais l'accomplissement pur et simple d'une idée ; l'idée manque de nuance, elle n'est qu'une simplification du réel par le langage, une simplification utilitaire. Aucune saison réelle n'étant l'accomplissement parfait de son Idée, il n'y a pas de "Saisons" - ce qui est sensiblement différent de il n'y a plus de Saisons. Il faut encore remarquer ceci : généralement, ce n'est pas quand il fait anormalement beau que l'on constate le dérèglement du climat, c'est le plus souvent quand il fait un temps effroyable (quoique, depuis quelques années, avec le phénomène du "réchauffement climatique" et la fantasmagorie hallucinante et hallucinée qu'il traine à sa suite... l'anormal beau temps même devient occasion et prétexte de dénigrement). Cela me laisse à penser qu'il ne s'agit donc en rien d'un constat, mais bien plutôt de la marque d'une déception : il s'agit de dénigrer la réalité, de la rabaisser face à l'Idéal, comme pour s'en venger ; c'est la réalité qui est alors jugée anormale, inférieure à l'Idée de Saison, considérée comme norme et vérité - alors qu'elle n'est originellement qu'une simplification à partir de la réalité, admirez le renversement. Ce propos peut-être élargi : tous les jugements du type "il n'y a plus de ..." sont des symptômes de ressentiment, de dénigrement du réel. Par exemple : "Il n'y a plus de jeunesse", que l'on peut entendre dans la bouche de certains vieillards depuis la nuit des temps... cela signifie : je vieillis, j'en veux à cette jeunesse que je vois pleine de vie, d'énergie, d'insouciance, et je me venge d'elle en la discréditant... vengeance contre la vie... Mais, que diable !, c'est tout de même bien vrai : où sont passés les jeunes rustres illettrés et violents des campagnes d'antan ?

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